Les bouquets bruns

Les bouquets bruns

Peu à peu, les fleurs de l'âge avaient fait place aux Fleurs de cimetière, écloses en bouquets bruns au hasard de sa peau. Un cuir en friche sur lequel persistaient fièrement quelques crins têtus, mauvaises herbes increvables pareilles aux Immortelles des dunes  des chemins de juillet. Un cuir de vieux, patiné par l'air doux des belles années et buriné par le sel et le givre des mois difficiles. Les sillons naissants et parallèles de la quarantaine finissaient aujourd'hui  par se croiser de toutes parts, petites routes communales de carte routière à la rencontre de grands canyons épidermiques à sec.

Il ne pouvait lutter non plus contre le feu de ses yeux et le lourd de ses paupières. Il plongeait alors dans une sorte de sommeil-éveillé avec cette impression de basculer en lui-même, profondément, paisible, enfin. Au creux de ce silence trompeur, il flottait dans l'accalmie de l'œil du cyclone. Il avait apprivoisé ces doux et étranges instants qui le distanciaient de lui-même, des choses et des douleurs. Dès lors, clos au monde, il n'avait plus peur et seul son souffle court et fragile le reliait encore à ce qu'ils appelaient la vie.

Parce qu'il y avait maintenant tant d'amis et d'amours à l'attendre ailleurs. Amis et amours l’avaient quittés, avec ou sans au revoir, le laissant seul et perdu dans un monde fait d'angles saillants. Il voyait déjà leurs rondes silhouettes et leurs grands gestes de bienvenue se dessiner au loin dans la brume d'une plage d'automne. Il avait toujours imaginé le grand départ de cette façon : une plage déserte offerte au brouillard.

Ivre à l'idée d'un banquet posthume fait d'étreintes, d'histoires et de retrouvailles, le cuir tanné d'ennui, paupières closes et brûlantes,  imperméable au monde, il reniait l’ici-bas en silence en attendant qu’un dernier souffle de vie s'effiloche, enfin.

B.Bop (1er sept 2017)

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