Reset

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J'ai toujours été assez clair avec mes troubles bipolaires...pour informer, pour lutter contre les idées toutes faites, pour expliquer certaines de mes réactions, bêtement j'ai cru que c'était la solution la plus appropriée, la plus simple. Pour qu'autour de moi les gens puissent comprendre le pourquoi de certaines attitudes sociales, comprendre ce qu'est vraiment la dépression et cette maladie de façon globale. L'histoire d'une maladie grossièrement appelée Psychose Maniaco Dépressive, dont l'étude a été affinée depuis une dizaine d'année en sous-catégories de "bipolarité".

Je me suis fait diagnostiquer, traiter, traité d'un peu de tout au final. Le résultat est aujourd'hui sans équivoque : l'effet escompté n'a pas eu lieu. Les gens savent mais la stigmatisation, l'incompréhension, l'incapacité à mettre certains comportements dans la perspective d'une maladie psychique et chronique, les certitudes faciles. Le refus de considérer la maladie malgré les explications que j'ai envoyé à tous les gens qui m'étaient chers ... non seulement je sais que ça n'a pas servi comme je le pensais, mais je sens bien que je me suis ridiculisé au passage. Alors n'étant plus à ça prêt...

Les cours de psycho-éducation, les Groupements d'Entraide Mutuelle, les changements de traitements, les périodes d'intervalles libres (comprenez stabilité), les temps d'hypomanie, de dépression quoi qu’ayant jusqu'ici plus ou moins disparue...de tout cela je ne peux plus parler. Les gens sont incapables de remettre en question ce qu'ils pensent des maladies psy, par peur de se refléter dans le miroir ? Incapables de remettre en question leurs certitudes et tout ce qu'ils entendent et se dit sur ces troubles...et le troupeau trace sa route...

4 ans après j'entends encore des "Viens on sort ça va te changer les idées"...demandez donc à un myopathe de marcher, pour aller prendre l'air, ça lui fera du bien! "De toute façon tu n'aimes ni rien ni personne" me disait encore il y a peu un nouveau copain avec qui je me sentais proche ! "Tu es trop lunatique pour les repas de famille" a surenchéri  mon beauf fraichement converti à l'Islam et qui depuis déborde d'humanité à 4 pattes sur le tapis de son ignorance ! "Alors moi je connais une huile essentielle miracle..." te récitent les bobos-bios-anti-spécistes-insoumis-baba, les pires moralistes que j'ai jamais connu !...et de rajouter en pensant faire reluire conscience et en se caressant la certitude : "ho, si toi t'es bipolaire alors moi c'est pareil !"

Il y a peu j'ai envoyé chier ma psychiatre, celle qui s'endort quand tu parles. J'ai laissé tomber les cours de psycho-éducation...il y a autant de malades que de bipolaires, comprenez donc que la maladie se manifestant de façon si particulière pour chaque malade, il soit impossible de niveler ou simplement concevoir et organiser une vulgarisation de la maladie. Je me suis aperçu que c'était au final une sorte de contre-sens qui m'obligeait qui plus est de me replonger de façon hebdomadaire dans ce qui me prend déjà la tête au quotidien. Certes certains points communs font que l'on se reconnait en groupe, certaines choses vécues  de façon identiques, certains pièges comme le fait de vouloir à tout prix expliquer les choses, et de tomber d'accord sur le fait qu'on a tous été bien naïf ! Mais ça soulage un temps. On se voit déjà se faire des restos avec enfin des gens avec qui l'on partage une normalité en commun. 

Idem pour le GEM et son local d'accueil. J'ai été hyper enthousiaste au départ de pouvoir discuter avec de vieux malades, des ingénieurs sérieux, des directeurs de je ne sais quoi, de gros patrons restés perchés dans un burn-out évolutif, tous ces gens chez qui tu n'imaginerai pas que..., et puis faire des tartes aux pommes avec d'anciens poly-toxicos qui se sont ruinés le cerveau et dont le passé te fait blêmir, mais qui partagent là, avec toi, leurs multiples vies, ce qu'aucun ami soit disant "normal" n'a jamais commencé à faire avec toi, se raccrochant comme des moules à leur rocher aux conventions sociales du troupeau ! Me retrouver baignant comme cela au milieu de personnes comme moi m'a fait chaud au cœur au départ et puis...et puis non, j'ai pris peur, peur de m'installer dans une maladie comme dans un cocon qui me couperait du monde même s'il est si dur à affronter dans mon cas, surtout que je donne à voir socialement l'inverse...peur d'apprivoiser mon animal de compagnie de sorte que nous ne faisions plus qu'un et qu'il me passe la laisse, qu'il me grignote encore un peu plus.

Il me reste ma Brigitte de psychologue qui m'aide comme elle peut mais avec qui j'ai noué une vraie relation.

Aujourd'hui, ayant pris en main mon traitement et ma maladie en mode auto-gestion, ayant continué l'évolution d'une posologie qui va dans le sens d'un traitement dit "thérapeutique", comprenez 4 fois la dose par paliers, je me retrouve avec une boule de bowling dans le crâne de sorte que lorsque je ne reste pas assis ou couché, ma tête me pèse, me tangue, me déséquilibre presque. Mon regard veut se fermer tout seul de trop de lumière. Mes oreilles sifflent comme une vieille locomotive qui n'en finit pas de passer. Et l'agressivité...

Mes équilibres, "les choses mises en place" comme on dit, le sport, le sommeil, méditer, prendre soin de soi, moins picoler, tout ce qui tourne autour de l'hygiène de vie, essentielle pour gérer cette maladie, tout ça s'est fait la malle, sans que je n'y puisse rien, ou trop peu.

Les questions sur mon avenir me bourdonnent aussi autour comme un essaim...pensez-donc, un avenir pro à 46 balais !... gagner du fric , trouver une formation pour un salaire, monter ma boite, un nouveau groupe folk, peindre et exposer, photographier la vie, et les "ho toi tu sais faire tellement de choses avec de + en + de talent !", de bonne intention certes mais qui t'enfoncent encore un peu plus dans l'angoisse ... Du talent, plein de créativité mais dans tellement de domaines qu'au final il ne reste...rien. Je ne suis rien. Je sens bien que cela fait partie d'obsessions qui reprennent du service et me démangent à longueur de journée, au sens propre comme au figuré. Moi qui croyais qu'enfin j'avais réussi à accepter ma relation au travail, ma créativité salvatrice tout azimut, mon rôle essentiel dans mon foyer, mes différences.

C'est tellement chouette les gens différents, les originaux, qui ne suivent pas le troupeau, les créatifs, artistes, c'est tellement romantique hin ? Mais à quel prix ?! Je me suis fait la promesse d'être fidèle à 4 fois la dose jusqu'au mois d'août puis de faire un point...continuer ainsi car ça m'aide, ou tout balancer par dessus bord et continuer peut-être vers un port qui remettrait les compteurs à zéro, entre ces 4 murs blancs et les brûlures de cigarettes au bord du lit...ça m'est arrivé une fois, à 4 fois la dose justement, j'ai tenu 24 heures avant de me barrer et d'insulter cette clinique-château comme très souvent, où le côté paisible des grands parcs cachent une maltraitance qui ne dit pas son nom. Je me souviens qu'avant, les parents parlaient de "maison de repos", pour expliquer aux enfants. Et pour voiler la face de ce qui ne se dit pas chez les plus grands, ne se discute surtout pas...on a refait la déco, plus moderne, plus sympa mais même avec Ikea ça le fait toujours pas. Même ça je l'envisage, tant pis, parfois cela remue tellement que ça remet certaines choses en place m'ont dit certains malades...

Je suis donc là, flottant entre un ras-le-bol de chimie et de thérapeutes convaincus. Moi, aimant, bienveillant, pourtant prêt à tout il y a encore un petit mois. Dans mon bordel organisé. Reconnecté à la nature (qui ne nous juge pas) et avec une certaine sagesse. Je me retrouve désormais tout foireux, tout bidon, bancale, qui se démange de plus en plus fort et qui a peur... Au point de perdre 4 heures à livrer ici, sur mon blog pourtant public (et peut-être dans un moment irréfléchi de plus balancer le tout sur Facebook), ce magma d'impudeurs à 33 degrés. Ce soir ce sera 40 et sans glaçons, quelques volutes de fumée...et merde ! C'est pourtant pas une saison pour pleurer !

 

On est quand même plus beaux vivant
Que mort
Même si on a l'air moins reposé
C'est qu'ici on fait trop d'efforts...

Christophe Jean Miossec

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E
De parler ça fait du bien bonne journée à toi bisous
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